Transcription | Nicole Ferroni se prononce sur le revenu universel minimum | exercice pour la compréhension de l'oral

Il reste quelques mois d'ici à la Présidentielle. Nicole Ferroni, chroniqueuse à France Inter, se penche sur un sujet très discuté, notamment la question du revenu universel minimum, un revenu mensuel de base fixé à environ 700 ou 800 euros proposé par plusieurs candidats aux élections, entre autres par l'actuel Premier ministre Manuel Valls.

Vous pouvez faire appel à la transcription ci-dessous pour mieux comprendre la chronique, mais je vous conseille d'essayer sans aide au moins au début. ;)

"Le Rmax", pour les nuls

▼ Transcription :

- Nicole Ferroni, c'est à vous. On me dit que vous êtes cernée.



- Oui, je suis cernée¹ aujourd'hui, parce que effectivement j'ai un Patrick Cohen dans ma gauche, un Daniel Cohen dans ma droite, soit deux Cohen pour me coincer et me faire parler du revenu universel, donc je n'ai pas le choix. Allons-y. Alors, le revenu universel, qu'est-ce que c'est ? Bah, c'est cette idée défendue par certains candidats à la Présidentielle, selon laquelle un revenu mensuel de base pourrait être versé à tout citoyen sans conditions, de façon à ce que notamment ces besoins de base de l'individu soient couverts, et ceux qui militent en faveur disent « Oui, comme ça il n'y aurait plus de précarité, puisque par cet argent les gens seront à l'abri du besoin ». Moi je me disais, Non, parce qu'un monsieur qui n'a pas de  nourriture, ce qu'il a besoin ce n'est pas d'argent mais de nourriture. L'argent n'est qu'un intermédiat. Mais si on prend le monsieur et que l'on met dans une île déserte avec une caisse pleine de billets de son revenu universel, il va quand même décéder puisque les billets sont faits en cellulose et qu'à moins d'être un termite, une vache ou un champignon, et bah nous, la cellulose, on ne peut pas la digérer.

Et donc c'est pour ça que j'ai regardé le revenu universel d'un œil suspect, je me disais « Mais en fait le projet, c'est quoi ? » Donner de l'argent et se dédouaner² des besoins des gens, ou comment on va le financer, on va donner de l'argent pour le reprendre et donc je trouvais le sujet très compliqué, trop compliqué pour se pencher dessus et c'est pour ça  que j'ai arrêté de me pencher. J'ai levé la tête et je me suis dit « Mais pourquoi on s'occupe des problèmes du bas et pas ceux d'en haut ? Pourquoi on s'occupe toujours du smic³ et pas du smac, ou plutôt du rmax, à savoir le revenu maximum et se poser la question de jusqu'à combien une personne peut gagner de l'argent ». Scientifiquement je parle, pas d'un point de vue moral, sinon on va encore se battre, alors oui, ils l'ont mérité, c'est volé, c'est mal, c'est pas mal. Non, scientifiquement jusqu'à quel niveau il est utile d'être riche. Et donc, j'ai regardé. 

Dans le monde, il y a des gens qui gagnent beaucoup d'argent, selon des valeurs chiffrées. Cet argent ils l'ont gagné à la sueur de leur front ou du front des autres. Même si en France on gagne visiblement beaucoup plus d'argent non pas avec la sueur mais avec le sébum⁴, puisque la plus grosse fortune en France, c'est la propriétaire du groupe cosmétique L'Oréal, M.me Bettencourt, qui par notre sébum et nos rides, en tout cas avec nos problèmes de peau, gagne beaucoup d'argent, parce que les humains veulent de l'amour, du coup ils pensent qu'il faut être beau ou belle pour l'attraper. Ils achètent des crèmes, du shampoing, sauf qu'au lieu de remplir nos vies d'amour, ça remplit surtout le compte de M.me Bettencourt qui sur le dos de nos espoirs a capitalisé 31 milliards d'euros au total dont 300 millions d'euros seulement en 2016. 

Sauf que ça, c'est un très gros problème pour Liliane de gagner 300 millions d'euros par an, parce que cet argent ne lui sert, ne devient utile pour elle que si elle l'échange pour s'acheter des choses, que si elle le dépense. Or, dépenser ces 300 millions d'euros par an, c'est pire qu'être le hamster dans la roue, c'est impossible parce que ça fait 800 mille euros par jour. Donc, en un jour vous avez de quoi vous acheter une barque sur la mer, lendemain loft à la neige, le jour d'après un duplex⁵ à LA, vous allez acheter du mobilier, de grosses bagnoles, la semaine d'après un bateau, des robes, des parures et en un mois vous aurez déjà tout poussé à son maximum. Et même si à partir de là Liliane se dit qu'elle va dépenser son argent à s'offrir les meilleures choses, et le Rabot maché, la meilleur bouchée du meilleur steak, dans l'arc de temps qu'elle va macher cette bouchée, avec ces intérêts et dividendes elle aura gagné 10 fois le steak. Et donc même si elle se fait des cataplasmes⁶ de caviar sur les pieds et si elle sniffe du safran au lieu de sniffer de la cocaïne parce que c'est plus cher au gramme, comme elle gagne de l'argent plus vite qu'elle peut le dépenser, elle n'aura jamais assez d'une vie pour donner du sens à cet argent. Ou alors il faudrait qu'elle ne dorme jamais, qu'elle ne lise surtout pas, qu'elle ne fasse aucune de ses activités gratuites et plaisantes qui ne coûtent rien, qu'elle ne fasse jamais de mots fléchés, qu'elle ne joue pas avec ses petits-enfants, que jamais au grand jamais elle regarde un coucher de soleil et les rayons dorés qui lèchent les flancs d'une verte colline, car sinon ses sous ne se dépenseront pas, son argent accumulé sera inutile, sa vie dépourvue de sens et c'est pour ça que finalement je suis un peu quelque part pour ce revenu universel mondial s'il était financé par les grosses fortunes de ce monde parce que ça permettrait au moins à Liliane de se sentir mieux.


▼ Dictionnaire :
¹cerné : entouré.
²se dédouaner : agir de manière à faire oublier, faire sortir.
³smic : salaire minimum interprofessionnel de croissance, c'est-à-dire le salaire minimum de tout salarié.
⁴sébum : substance qui sort à la base des poils, dont un excès est la raison des cheveux gras.
⁵duplex : appartement en deux étages.
⁶cataplasme : préparation médicamenteuse qui s'applique sur le corps pour le soigner.

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