mercredi 14 décembre 2016

French listening | Nicole Ferroni | Syrie : la guerre a avalé les couleurs pour mettre du noir à la place

Voici Nicole Ferroni, humoriste et comédienne de France Inter pour l'émission le 7/9 de Patrick Cohen, dans une nouvelle chronique au sujet de la guerre en Syrie, un thème visiblement très délicat et touchant.

Retrouvez la transcription ci-dessous.






▽ Transcription : 

Nicole Ferroni, on me dit que vous êtes démunie.  



Oui, oui, oui, voilà je suis assez démunie sur la guerre en Syrie parce que voilà je le vois, comme à chaque fois je ne suis pas sûr d'avoir toujours compris, donc je suis très souvent dans le faux, parce que c'est un tel sac de nœuds que je vois que si je dis honte Bashar et bah on me dira "C'est ça, bravo Ferroni, vous soutenez l'État islamique" et si je dis vive Bashar et bah je ne vis pas décemment quand on voit tout le nombre de civils qui meurent, ce à quoi certains me voudraient répondre "Oui, mais ça c'est  peut-être l'écho des médias européens manipulés", alors que moi je le sais, j'ai la flemme de lire de longs articles pour être manipulée donc je vous dis comment je procède.

Alors, il y a deux mois j'ai demandé à google comment on écrivait Alep en arabe, ce qui m'a permis sur twitter, cette plateforme où sont publiés de tout petits messages, de trouver des gens qui se présentent comme journalistes suivant les conflits sur place. Et c'est ainsi que depuis peu je suis les  publications d'un certain Hadi al-Adballah qui se présente comme journaliste indépendant et je le suis, lui, pourquoi ? Un, tweeter a mis un petit sigle bleu pour me signaler qu'il existe vraiment. Deux, sur les vidéos qu'il partage on voit sa tête sur un fond d'Alep, enfin sur un fond de ruines, sans photomontage, ce qui veut dire que  ce monsieur a le mérite et le courage d'être sur place et trois, ce jeune homme suit régulièrement le travail des casques blancs syriens, ces civils qui sauvent d'autres civils, ce qui me fait  dire que Hadi al-Adballah est au moins un peu du côté des civils. Donc, j'ai décidé de faire de ce jeune homme de 5 ans mon cadet ma toute petite lorgnette sur la guerre dans son pays. Mais pour dire vrai, je n'ai aucun moyen de savoir si ce qu'il écrit est propagande ou vérité, d'autant que souvent je n'ai même pas le moyen de savoir ce qu'il écrit tout court, puisque Hadi commence toujours par écrire en arabe. Donc, de façon beaucoup moins ludique, au lieu de faire "apprendre l'anglais avec Dora", je me fais des séances "apprendre l'arabe avec la guerre" et voici quelques-uns de ses mots.

« Des familles entières enterrées sous les décombres, des corps de civils éparpillés dans les rues, nous n'oublierons pas comment le monde a forcé le peuple d'Alep à choisir entre deux options, la mort collective ou l'exile massif, jusqu'à ce matin. Le peuple d'Alep n'a pas dormi cette nuit en attendant l'évacuation promise des civils. Rien de neuf, nous continuons à attendre. »

Et c'est vrai, ce sont ses mots. Et moi je ne dis rien de concret pour en parler. Non, voilà, la seule chose que j'ai de concret chez moi c'est un vieux guide du Routard, guide du Routard que mon papa a utilisé quand il est allé en  Jordanie et en Syrie en 2006 et voilà ce qu'on peut y lire sur Alep. "À 350 km de la capitale, Alep est la deuxième ville du pays, une des grandes cités mythiques de ce monde, mais grosse bagarre entre Alep et Damas pour le titre envié de la plus ancienne ville n'ayant jamais cessé d'être habitée. Pour dormir, l'hôtel Hanadi tranquille et très propre, propose des chambres roses confortables, tv, frigo, air climatisé, qui s'organisent autour d'une terrasse jaune et ensoleillée. Pour manger, le restaurant Al Koumma propose un cadre oriental autour de tables basses qui donnent une ambiance très cozy. Et concernant les pâtisseries, la pâtisserie Azrak, rue Altunyian, en face du cinéma Ugarit, proposent les fameuses alépines, un délice de pâte d'amande, de pistaches et de sucre. Et quand j'ai lu ça je me suis dit “C'est bizarre. Hadi n'en a jamais parlé”. En effet, si on compare les phrases de Hadi en 2006 à celles du moustachu du Routard de 2006, on sent que je tiens là quand même quelque chose de très concret sur la  guerre en Syrie, à savoir que la guerre, ça n'est pas si loin que ça. La guerre ce n'est pas un truc de loin là-bas. La guerre, ça peut avoir des allures d'un ici, des maintenant qu'on prend et qu'on fracasse, c'est prendre un présent et le réduire en cendres, c'est remplacer le cozy par la terreur, mettre un chaos qui ne laisse plus aucune place à la douceur, même pas celle des pâtisseries, car la guerre avale toutes les couleurs et met du noir à la  place. La guerre c'est l'horreur, et pas si loin ni dans l'espace ni dans le temps. Vous allez me dire mais Nicole, vous ne pouvez pas finir cette chronique comme ça. Non, je vais finir par  un tout petit trou fait par les mots de mon papa qui après avoir vécu des bombardements quand il avait 8 ans, après avoir été militaire, vit maintenant des jours paisibles et a pour la  guerre un projet d'avenir, il me dit “Tu  vois, des fois, Nicole, on dit le cannibalisme avant c'était répandu, et maintenant les gens disent les hommes se mangeaient, pardon. Je suis désolée. Les hommes se mangeaient et on appelait cela du cannibalisme, et bah un jour, peut-être, qui sait, la guerre sera si loin derrière l'humanité qu'on pourra dire les hommes se tuaient et ils appelaient cela la guerre".

Nicole Ferroni, merci et puis on va vous voir sur le site et puis on..



Voilà ! J'espère que ça vous a plu. Si vous avez remarquez des coquilles ou si vous avez des questions, n'hésitez pas à laisser un commentaire ci-dessous !

Continuez à étudier le français entre quat'z'yeux !

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