mercredi 4 janvier 2017

Nicole Ferroni | Tel le gibbon, de toutes les campagnes | French transcription

Nicole Ferroni, face à l'invité du jour, M. Benoist Apparu, nous raconte aujourd'hui l'histoire des animaux politiques français, qui, comme les gibbons, adorent passer rapidement d'une branche à l'autre, comme d'une campagne à l'autre.

Cette chronique a été diffusée le 4 janvier 2017 sur France Inter.
Retrouvez la transcription ci-dessous ! 


Tel le gibbon, de toutes les campagnes



Transcripion :

- C'est votre heure à présent, Nicole Ferroni. On me dit que vous êtes étonnée.
- Mais oui bien sûr, écoutez, je suis très étonnée de voir aujourd'hui bah M. Apparu puisque moi c'est voilà comme tout le monde je vous ai longtemps connu comme porte-parole de M. Juppé. En 2014, vous souteniez Juppé. En 2015, vous souteniez Juppé. En 2016, vous souteniez Juppé. Et alors que voilà en 2017 dans le camp de M. Fillon je ne vous avais jamais vu. Vous êtes appa-. Non, à Paris, à Paris, M. Cohen. Écoutez je vais pas dire Vous êtes apparu. Non je vais pas dire Vous êtes apparu Apparu. En 2017 j'essaie de faire des progrès en jeux de mots. Donc, M. Apparu vous n'êtes pas apparu mais à Paris, enfin vous êtes apparu à Paris, ce qui n'est pas évident puisque à la base vous êtes Maire de Châlons-en-Champagne, mais si vous êtes parmi nous, c'est parce que justement, vous avez décidé en plus d'être à Châlons-en-Champagne, d'être à jalon en champagne, puisque vous êtes de toutes les campagnes enfin au moment bien sûr qu'elles gagnent. Et vous aimez bien les gagnants.

Effectivement, vous étiez porte-parole de M. Juppé, tant qu'il était haut dans les sondages, maintenant qu'il a été battu, vous ne l'êtes plus et vous préférez de loin les champions et devenir la langue de M. Fillon. Alors c'est vrai que de l'extérieur on pourrait penser à de l'opportunisme, et pour cause. Ça en est parce que c'est un peu avoir ce talent de saisir l'opportunité quand elle se présente, de passer rapidement du loser au winner, un peu, comment dire, comme le gibbon, vous savez, qu'il passe de branche en branche. Et oui, vous aussi vous vous accrochez à celui qui est devant, que ce soit dans les branchages comme dans les sondages, et vous lâchez ce qui est derrière avec cette souplesse du gibbon qui comme vous a le bras très long. Et cette technique est très efficace, puisque la preuve c'est que M. Fillon a la même. Lui aussi a un petit peu la gagne mais au lieu de chercher juste les winners de droite à qui s'accrocher, lui il a regardé dans toute la société. Et qui sont les winners de la société ? Et bah ce sont les millionnaires, les milliardaires, alors que les losers sont ceux qui ne le sont pas encore.

Et donc comme le gibbon, il tend le bras loin devant vers les millionnaires en supprimant l'impôt sur la fortune, et donc avec l'autre main il lâche la branche loin derrière par différentes techniques, qui s'appellent la suppression des infirmiers, qui passeraient de 35 à 39 heures. Ils passent déjà tellement de temps entre les maladies, que leur passion est leur propre suicide, ou l'augmentation de la TVA1 qui fait que même les produits de primaire nécessité, comme le pain ou le beurre, augmenteront. Donc, on voit que pour avancer il y a ce besoin de lâcher les losers, et sauf qu'il ne peut pas trop non plus. Pourquoi ? Parce que les losers, ça vote, et oui, et oui, ça vote.

Et donc, c'est vrai que j'étais un petit peu du coup étonnée, malgré tout quand j'ai vu M. Fillon en visite à Emmaüs2 parler de lutte contre la précarité tout en assumant ce problème politique et économique, radical qui risque d'en créer. Je me suis dit Ahi ahi ahi ahi ahi, est-ce qu'il ne risque pas de finir écartelé3 entre deux branches électorales, coincé par ses contradictions ? Un peu comme vous l'étiez d'ailleurs il n'y a pas si longtemps, M. Apparu, vous savez, comme vous avez dû passer de « Ah la suppression de 500 mille fonctionnaires, c'est une marche infranchissable » quand Fillon était votre adversaire, « Ah si si, moi, ça paraît équilibré » maintenant que vous le soutenez. Et je me suis dit Ça n'a pas dû être facile. Et pour vous, comme pour M. Fillon j'avais peur que ça craque. Et bah finalement, vous savez quoi M. Apparu ? Ne vous inquiétez pas, j'ai bien regardé dans la canopée4, et en fait il y a des tas d'autres petits gibbons coincés, écartelés eux aussi entre leurs paroles et leurs actes. M. Valls qui promet de supprimer le 49.35 alors que lui-même il a utilisé trois fois. Il y a Marine Le Pen qui a annoncé hier qu'elle veut supprimer ces inutiles régions, alors qu'elle en était justement la candidate aux dernières régionales. Il y a aussi M. Macron, qu'en tant que ministre de l'économie, fustigeait le verrou des 35 heures, mais en tant que candidat promet que, promis, il n'y touchera pas.
Bref, apparemment chez les animaux politiques, cette maîtrise de grande souplesse est très répandue. Donc même si moi, ça me ferait franchement de voir M. Fillon aller serrer la main à la précarité d'Emmaüs en soutenant un programme radical, que radical ça vient quand même, ce qui est relatif à la racine, et bah je ne m'étonne pas, parce que, vu la souplesse des gibbons, on peut comprendre que peu leur importe de faire manger aux autres des racines, tant qu'eux peuvent, en surplombant la canopée, se délecter6 des fruits de leur travail.
- Nicole Ferroni, vous avez réussi à accabler notre invité.


Quelques éludications :

1TVA : taxe sur la valeur ajoutée.
2Emmaüs : associations de solidarité.
3écarteler : diviser, disloquer.
4canopée : étage supérieur de la forêt, généralement riche de biodiversité grâce à l'influence directe du rayonnement solaire.
549.3 : article de loi selon lequel le conseil des ministres peut adopter une loi sans passer par le Parlement. (Pour en savoir plus, voici le Monde qui en parle)
6se délecter : se régaler, éprouver du plaisir.

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