À vous une nouvelle chronique de l'humoriste et comédienne Nicole Ferroni, diffusée aujourd'hui 16 novembre 2016 sur France Inter, lors de la matinale le 7/9 de Patrick Cohen.
Aujourd'hui M.me Ferroni nous explique brièvement le système judiciaire français et fait un appel aux candidats à la présidentielle de 2017. Effectivement, l'invité du jour était M. Hayat, président du tribunal de grande instance de Paris.
Vous trouverez la transcription de la chronique ci-dessous.
La justice en état d'urgence : "voir en chaque délit un crime"
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Nicole Ferroni, on me dit que vous êtes
perdue.
Oui, je suis, voilà, un petit peu
perdue, puisque voilà, je vous avoue que quand on m'a annoncé qu'on
recevait aujourd'hui M. Hayat, président du tribunal de grande
instance de Paris, je me suis dit « Bah en fait c'est surtout à moi
qui va falloir un grand instant pour comprendre déjà de quoi il
s'agit ». Parce que pour moi la justice en France est un petit peu
comme un village de pêchards après un tsunami : la seule chose que
je vois ce sont des bouts de bois. Il y a des parquets, des plantes,
des bahuts, qui flottent ça et là dans un océan de complexité que
j'ai essayé de ranger. Alors je vous dis ce que j'ai compris.
Dans la justice, il y a deux ordres :
l'ordre administratif, qui s'occupe de
la justice dans l'administration, tandis que l'ordre judiciaire
s'occupe de la justice dans la justice. Et dans cette justice de la
justice si le méfait commis n'est pas puni par la loi, alors ce
sera une affaire civile, tandis que s'il franchit la ligne rouge de
la loi et entraîne par la même de la peine, on parlera d'affaire
pénale. Dans le pénal, si la peine que vous faites vous la faites
surtout à vous-mêmes, par exemple, en prenant une amende, après
avoir roulé à 53 au lieu de 50, sans causer d'accident, alors ce
sera une contravention, tandis que si vous commencez à faire de la
peine aux autres, en les tapant, en les blessant, alors ce sera un
délit, qui mérite une correction et sera donc traité par un
tribunal correctionnel. Et si ces méfaits sont d'une telle
méchanceté, que personne ne peut se tenir debout à les entendre,
comme le meurtre, le viol, ils seront gérés non pas par le tribunal
des débouts, mais des assises, puisque le trop-plein de larmes et de
cris qu'ils ont créés, en auront fait des crimes qui méritent d'être
punis encore plus amplement. Et donc moi-
Ah c'est pour ça.
Oui, voilà. Et c'est pour ça que
j'étais perdue. J'ai dit « Ou là là », mais quand on voit se
brouhaha, je me demandais « Mais où ranger le terrorisme dans tout
ça ? », parce que vous n'avez pas de terrorimètre, c'est-à-dire
de petite machine qui vous permet de mesurer précisément le taux de
terror qui va émaner d'une personne pour savoir exactement dans
quelle boîte la ranger. Et comme on- et donc j'ai vu ça et je me
suis dit « Mais heureusement que M. Hayat va avoir plus de juges
d'instruction dans ce pôle antiterrorisme », puisque comme ça ce
sera pas de trous, pour faire un vrai travail d'équipe, puisque vos
juges d'instruction passent de 9 à 11 et que 11 c'est justement
l'effectif complet d'une équipe footballistique. Et donc vous allez
enfin peut-être, je l'espère, espérer pour gagner ce match de
football juridique face à des terroristes alors que vous étiez en
constante infériorité numérique, surtout que l'équipe de
terroristes n'est pas très très fair play. Les terroristes font des
remplacements n'importe comment, il y en a un qui sort du terrain, il
y en a 8 qui rentrent, ils ne portent jamais le même maillot, on
n'arrive jamais à siffler les fautes. Et du coup je me disais pour
la justice c'est pas mal, vous n'auriez pas d'autres choix
effectivement que d'aller plus en défense avec les terroristes, et
donc de considérer bientôt chaque passe comme une attaque et de
voir donc du coup en chaque délit presque l'équivalent d'un crime.
Pourquoi ? Bah pour jouer plus musclé, faire un peu du
rentre-dedans, c'est-à-dire faire rentrer dedans l'adversaire, le
mettre davantage en cabane, en prison, en cage, pour protéger la
population de leurs méfaits. Mais le problème M. Hayat c'est que
des fois la justice, c'est un petit peu comme au foot. On a
l'impression que quand on envoie l'adversaire dans les cages, c'est
nous qu'on empêche de mettre des buts. Plus notre adversaire est
envoyé dans cet espace grillagé et moi on a le sentiment qu'on peut
gagner le match. En effet, combien de terroristes tristement connus
se sont radicalisés, voire formés en prison. Et ça des détenus
le disent. Et vous dites « Non mais attendez, ils arrivent avec un
CAP de délinquance et ils ressortent avec un DOSS de grand
banditisme » et visiblement-
Oui peut-être.
Avec l'accent oui.
Voilà. Et visiblement le carnet
d'adresses qui va avec. Et parfois cette grande carrière de
footballeur mortuaire spécialiste dans le tir de balles perdues. Et
ça c'est embêtant parce que ça veut dire que si la cage, la prison
est notre meilleure solution, c'est aussi malheureusement l'outil le
plus efficace qu'on a trouvé pour créer notre problème. La
solution est aussi le problème. Le traitement est ainsi la maladie.
Alors, je sais que, M. Cohen, vous allez me dire « Mais Ferroni,
prévenez immédiatement les dirigeants des clubs ! ». Je voulais mais ils
sont en plein mercato de campagne électorale, de primaires, de
présidentielles, et quand je vois que les candidats ont déjà du
mal à se rappeler que les magistrats sont les joueurs sur le
terrain supporté et non pas les ballons sur qui taper, je me dis «
Bon bah il faudrait vraiment qu'ils visent un peu sur le long terme,
de voir quoi faire avec ces prisons qui nous cassent autant qu'elles
nous protègent et qui n'est pas toujours la société à se réparer
». Alors, candidats des présidentielles, je pose la question : y
a-t-il quelqu'un pour s'occuper de la surface de réparation ?
J'espère que ça vous a plu. Si vous avez des questions, n'hésitez pas à laisser un commentaire ci-dessous. Pour regarder d'autres chroniques, visitez le portail Compréhension de l'oral.
Continuez à étudier le français entre quat'z'yeux !
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